VA ET POSTE UNE SENTINELLE - Harper LEE


Alabama, années 1950. Jean Louise (je prononce "Jine" Louise), une jeune femme travaillant à New-York revient pour quelques jours dans sa ville natale dans la maison où vit Atticus son père veuf et sa tante Alexandra, une femme stricte qui tient la maison. Au départ, Jean Louise se plie aux conventions un peu étriquées de sa tante (bien se tenir, sortir en belle tenue etc..), et écoute avec bienveillance la déclaration d'Henry, son ami et amoureux d'enfance devenu le bras droit de son père dans son cabinet d'avocat, qui lui demande de devenir sa femme. Alors que replongée dans les souvenirs et lieux de son enfance, elle se sent prête à remettre en question son exil à New York, Jean Louise découvre que son père et Henry se rendent à une assemblée raciale ce qui l'anéantit.
L'enfer était et serait toujours aux yeux de Jean Louise, un lac de feu aux dimensions très exactes de Maycomb, Alabama, entouré d'un mur de briques de cinquante mètres de haut. Satan embrochait les pêcheurs et les précipitait par-dessus cette muraille dans une sorte de bouillon de soufre liquide où ils marinaient pour l'éternité. (p.78)


Un roman choisit sur un coup de coeur parce que j'avais lu et aimé Ne tirez pas sur l'Oiseau moqueur du même auteur (que j'ai lu mais pas critiqué). Quel beau roman ! Le plus surprenant est de savoir que l'auteur a écrit ce livre avant le précédent titre pour mettre en scène "Scout", son héroïne un peu garçon manqué (sans doute un peu elle -même) vingt ans plus tard, lorsque la jeune femme vers sa trentaine, découvre que son père et son prétendant font partie d'une communauté "anti-noirs". Cette découverte la blesse profondément et elle décide de repartir pour New-York sans attendre la fin de ses vacances.
Vous ne me croirez pas, mais je vous l'assure : jamais de toute mon existence, jusqu'à aujourd'hui, je n'ai entendu le mot "nègre" prononcé par un membre de ma famille. Jamais je n'ai appris à penser "les Nègres". J'ai grandi entourée de Noirs, mais c'était Calpurnia, Zeebo l'éboueur, Tom le jardinier, et tous les autres. Il y avait des centaines de Noirs autour de moi, c'étaient eux qui travaillaient dans les champs, qui ramassaient le coton, qui réparaient les routes, qui sciaient le bois avec lequel nous construisions nos maisons. Ils étaient pauvres, ils étaient sales et ils avaient des maladies, certains étaient fainéants, indolents, mais jamais, pas une seule fois, on  ne m'a donné à croire que je devais les mépriser, les craindre, leur manquer de respect, ou que je pouvais me permettre en toute impunité de les maltraiter. (p.216)
Harper Lee a une très belle écriture, simple et profonde, décrivant des sentiments, interrogeant sur le sens de la vie, et c'est tout cet ensemble que j'aime retrouver dans un livre. Elle fut un écrivain avec un grand E et je regrette qu'elle ne nous ait laissé que deux romans, à la fois chaleureux comme un rêve d'enfant et déstabilisant comme la claque de la vérité que l'on se prend au moment où on ne s'y attend pas.
  


Go set a watchman
traduit de l'anglais (américain) par Pierre DEMARTY
année de sortie 2015 (écrit dans la fin des années 50)
lu en broché Grasset
330 pages


illustration d'entrée de billet : Gordon Parks "At Segregated Drinking Fountain, Mobile, Alabama, 1956"

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