BRONTE Emily - Les Hauts de Hurle-Vent


Angleterre, 1801. Peu après son arrivée au domaine de Thrushcross Grange, Mr Lockwood (le narrateur) tient à rendre visite à son propriétaire Mr Heathcliff qui vit à Wuthering Heights, une ancienne bâtisse retirée dans les Moors. Mal reçu, il découvre une singulière assemblée antipathique qui l'intéresse au plus haut point et insiste pour se faire raconter leur histoire par Hélène, sa femme de charge, ancienne employée de la famille Earnshaw.

Plus de 30 ans auparavant, Mr Earnshaw a adopté Heathcliff, un enfant de l'âge des siens ; si son fils Hinley prend ombrage de cette présence, sa fille Catherine trouve dans le jeune garçon un compagnon de jeux. Lorsque le père meurt, Hinley qui a 20 ans (env) relègue Heathcliff au rang d'un serviteur, ce qui n'empêche pas Catherine et Heathcliff de devenir de véritables "âmes soeurs". Cependant, alors qu'il a 16 ans, Heathcliff finit par s'enfuir ne pouvant supporter ni les mauvais traitements de Hinley, ni l'apparente indifférence de son amie Catherine qui parle de se marier "dans son rang". Lorsqu'il revient 3 ans après, Catherine est mariée à son cousin Edgard ; Heathcliff fou de rage décide d'épouser Isabelle, la soeur d'Edgar qui est amoureuse de lui et commence alors son implacable vengeance contre les membres de sa famille adoptive (en particulier les descendants) dans l'idée de s'approprier leurs biens.
Je ne crois pas avoir jamais lu ce roman pourtant célèbre et je suis heureuse de l'avoir fait. Tout d'abord, je pense que l'on comprend mieux les thèmes abordés dans cette histoire, quand on connaît la vie de l'auteur, par exemple en lisant la biographie écrite par Elizabeth GASKELL sur Charlotte Brontë - frère et soeurs. Le problème de l'alcoolisme (p.100 : Hinley manque de peu de tuer son fils Hareton), la folie, les amours contrariés, l'absence des mères (Hareton et Cathy ont tous les deux leur mère qui meurt à leur naissance), le froid, la solitude, les livres comme seuls secours à l'ennui.

Ce que je ne savais pas avant de lire ce roman, c'est qu'Emily a beaucoup d'humour, elle est beaucoup plus caustique ou moqueuse dans son style que sa soeur Charlotte et j'ai souvent ri de certaines situations.
- Catherine, pourquoi pleurez-vous ma chérie ? demandai-je en m'approchant et en passant le bras sur son épaule. Il ne faut pas pleurer parce que papa a un rhume ; rendez grâces à Dieu que ce ne soit rien de plus grave ! Et que deviendrai-je quand papa et vous m'aurez quittée et que je serai seule ? Je ne peux pas oublier vos paroles Hélène : elles sont toujours dans mon oreille. Comme la vie sera changée, comme le monde sera lugubre, quand papa et vous serez morts !
- Nul ne peut dire si vous ne mourrez pas avant nous. Il ne faut pas anticiper sur le malheur. (p.275)
Emily passe de nombreux thèmes à la moulinette y compris la religion (les passages où Joseph fait ses sermonts par exemple sont excellents). J'ai noté également que l'auteur se met en scène dans le personnage d'Hélène ("Nelly") :
...j'ai été soumise à une sévère discipline, ce qui m'a enseigné la sagesse. Et puis, j'ai lu plus que vous ne pourriez le croire, Mr Lockwood. Il n'y a pas dans cette bibliothèque un livre que je n'aie ouvert et même dont je n'aie tiré quelque chose, à l'exception de cette rangée d'ouvrages grecs et latins, et de celle-là, où sont des ouvrages français ; encore suis-je capable de distinguer les uns des autres : c'est tout ce que vous pouvez attendre de la fille d'un pauvre homme. (p.91)
mais illustre aussi certain de ses propres comportements violents (gifles) ou même mauvais traitement sur des animaux (chats, chiens,.) : dans la biographie de Gaskell on apprend qu'Emily avait tendance à se faire respecter de ses chiens en les battant crûment...). Par dessus tout, l'auteur dépeint bien entendu des atmosphères et décors morbides (Heathcliff qui fait ouvrir un côté du cercueil de Catherine et qui désire être enterré en vis à vis d'elle de manière à ce qu'ils s'observent pour l'éternité-cf p.338), images que l'on peut facilement rapporter au fait que la maison des Brontë était placée à côté du cimetière du village.

J'ai cependant été déçue par le style d'Emily que je trouve inférieur à celui de sa grande soeur Charlotte ; ses personnages ne font pas "vrais" : ils sont trop caricaturaux, passant d'une extrême à l'autre sans trop d'explication : de l'amour à l'indifférence ou la haine, ils sont souvent irrationnels, mais c'est peut-être voulu par Emily, je ne sais, je n'indique ici que mes impressions de lectrice. Catherine ne m'est pas du tout sympathique mais j'ai plus d'indulgence pour Heathcliff, le petit garçon brimé, puis trahi. "Catherine et Heathcliff", le mythique couple maudit ne "dure" que quelques pages dans le roman, j'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi leur histoire inspire tant d'amoureux ou alors je suis passée à côté de quelque chose -ce qui fort possible après tout !

J'ai été plus troublée et intéressée par la relation entre Cathy (la fille de Catherine) et Hareton (le fils de Hinley) et pour moi, c'est le couple le plus romantique qui soit dans ce livre.


titre original : Wuthering Heights
année sortie 1847
édition française sortie en 1925
370 pages
traduction de l'anglais par Frédéric DELEBECQUE
illustration d'entrée de billet : les Moors vers 1920

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