COOK James - Relations de voyages autour du monde


Angleterre, 1768. A bord de l'Endeavour (Entreprise en français) James Cook s'apprête à faire le "tour du monde" avec pour but principal l'observation du transit de Vénus à Tahiti (1769) et pour but secondaire la découverte d'un grand continent austral entre la Nouvelle-Hollande (Australie) et l'Amérique du sud selon la théorie d'un autre navigateur : Darymple. Revenu de ce premier voyage en 1771, il repart en 1772 pour poursuivre sa quête de découverte des côtes du Pacifique et en dessiner les cartes, car Cook était certes un marin mais aussi un cartographe très doué. Il avait cette fois demandé et obtenu deux navires pour assurer l'expédition : le Resolution qu'il commandait et l'Adventure que commandait Tobias Furneaux ; fin de ce voyage en 1775. Enfin, il entame son 3ème et dernier voyage en 1776, avec le Resolution dont il prend le commandement et le Discovery qui sera pour Charles Clerke (qui était son second au 2ème voyage) toujours pour achever son exploration de l'hémisphère Sud avec également la tâche de remonter jusqu'en Amérique du Nord et Sibérie pour trouver un passage. C'est en "redescendant" vers l'équateur que James Cook trouve la mort lors d'une étape aux îles Sandwich (Hawaï) en 1779, il avait 50 ans.
Ce que j'ai dit des naturels de la Nouvelle-Hollande(*) pourrait faire croire que ce peuple est le plus misérable qui existe ; mais en réalité ils sont beaucoup plus heureux que nous Européens, étant totalement ignorants non seulement du superflu, mais aussi des commodités nécessaires tellement recherchées en Europe. Il est heureux pour eux de ne pas en connaître l'usage. Ils vivent dans une tranquillité que ne trouble pas l'inégalité des conditions. De leur propre aveu, la terre et la mer leur fournissent toutes les choses nécessaires à la vie. (p.126)
(*) = Australie
"Mesurer le monde". C'était la volonté de Cook et nous, lecteurs, pouvons mesurer la passion entreprise par cet homme mû par une volonté certainement hors du commun.
Mais pour moi, quitter l'océan Pacifique méridional à ce moment, alors que j'avais un bon navire envoyé expressément en quête de découvertes à faire, un équipage en bonne santé, et ne manquant ni de réserves ni de vivres, c'eût été trahir un défaut non seulement de persévérance, mais de jugement, car c'était supposer que le Pacifique méridional avait été si bien exploré qu'il n'y restait plus rien à découvrir. Telle n'était d'ailleurs pas mon opinion, car, bien que j'eusse prouvé qu'il n'y avait pas de continent situé très loin au sud, il restait cependant de la place pour de très grandes îles dans ces régions entièrement inconnues. En outre, beaucoup de celles qui étaient déjà découvertes étaient imparfaitement explorées et leurs situations imparfaitement connues. Je pensais d'ailleurs qu'en restant dans ces mers plus longtemps je pourrais faire faire des progrès à la navigation et à la géographie, ainsi qu'à d'autres sciences. (p.223) (Cook parcourt à ce moment l'océan à l'ouest de l'Amérique du Sud et parvient à l'île de Pâques -déjà visitée par les Espagnols- et fait une description des fameuses statues géantes, les Moaï).
Il a su imposer son type d'embarcation : un charbonnier, d'après lui, le seul navire capable d'affronter les mers tout en permettant de transporter le nécessaire à la survie de l'équipage. Plus que la réussite de ses missions, j'ai été époustouflée par la constante nécessité que Cook avait de devoir rédiger un rapport sur les faits et observations et en aucun cas sur des suppositions ; il souhaitait que ses relevés soient utiles aux navigateurs qui feraient les voyages après lui, tant au point de vue des cartes marines élaborées aussi exactement que possible, que la désignation des ressources disponibles sur les terres abordables ou encore l'avertissement des dangers (barrière de Corail à l'est de l'Australie où il failli sombrer, ou encore hostilités de certains indigènes). L'humour n'est pas exempt de ses journaux.
De toutes les graines apportées par les Européens, la seule qui eût réussi était celle de la citrouille ; mais les naturels n'aiment pas ce fruit ce dont on ne saurait s'étonner. (p.203)
A la fin de chaque étape, James Cook écrit ce qu'il en est des coutumes des naturels qu'il vient de croiser, c'est vraiment très instructif sur les différents peuples qui occupent les terres à cette époque. Nous apprenons par exemple que les naturels de Tahiti sont les mêmes que ceux qui vivent en Nouvelle-Zélande, ils parlaient la même langue à quelques variations près, que connaissait d'ailleurs le marin John Gore, un américain qui fit précédemment le voyage avec Wallis en 1767 sur le Dolphin, et également Toupia, un Tahitien que Cook emmène avec lui, tous deux parlent avec les Maoris. En revanche, peuple différent en Nouvelle-Hollande (Australie) : les aborigènes ne parlent pas le "polynésien". Un autre encore aux Nouvelles-Hébrides (devenu Vanuatu en 1980), et un peuple qui semble mélangé en Nouvelle-Calédonie (où je réside actuellement) ces derniers étant par ailleurs les plus pacifiques et les moins voleurs.
Ils sont forts, robustes, actifs et bien bâtis, courtois et bienveillants ; ils n'ont aucune tendance à voler, ce qui est plus qu'on ne peut dire d'aucun peuple de ces mers. Ils sont à peu près de la même couleur que les naturels de Tanna, mais ils ont des traits plus réguliers et une tournure plus gracieuse, et la race à laquelle ils appartiennent est plus robuste. [...]
Si j'avais à donner mon opinion sur l'origine de ce peuple, je le considèrerais comme une race intermédiaire entre les habitants de Tanna et ceux des îles de l'Amitié, ou encore entre ceux de Tanna et les Néo-Zélandais ; ou encore un mélange des trois, car leur langue est à certains égards un mélange des trois autres. Leur caractère ressemble à celui des habitants des îles de l'Amitié, mais ils les surpassent en aménité et en probité. (p.273)
Humble vis à vis de son travail d'écrivain...
Et maintenant il est peut-être utile de dire que, comme je suis sur le point de partir pour une troisième expédition, je laisse cette relation de mon précédent voyage entre les mains d'amis qui ont eu la bonté d'accepter la charge d'en corriger les épreuves en mon absence ; ils se plaisent à penser qu'il vaut mieux donner cette narration dans les termes qui sont les miens plutôt que dans ceux de quelqu'un d'autre, car c'est un ouvrage destiné à renseigner et pas seulement à amuser, et dans lequel à leur avis la fidélité et l'absence de détours compenseront le défaut d'ornements.
Je conclus donc cette introduction en priant le lecteur d'excuser l'incorrection du style, qu'il aura sans nul doute de fréquentes occasions de remarquer dans la narration qui suit, et de rappeler que cet ouvrage est celui d'un homme qui n'a que très peu bénéficié d'un enseignement scolaire, qui dès sa jeunesse a vécu en mer, et qui, bien que mousse dans le trafic maritime du charbon, il soit parvenu avec l'aide de quelques bons amis au poste de capitaine de la marine royale, après avoir passé par toutes les étapes du métier de marin, n'a eu aucune occasion de cultiver les lettres. Après cette description que je fais de moi-même, le public ne doit pas s'attendre aux élégances d'un écrivain exercé, ni à la correction d'un auteur professionnel ; mais voudra bien, je l'espère, me regarder comme un homme simple qui se consacre avec zèle au service de son pays, et qui cherche à raconter ses faits et gestes le mieux qu'il lui sera possible. (p.153 - j'ajoute que cet extrait me touche beaucoup).
... James Cook se focalisait sur une exploration méthodique et systématique tout en réduisant les risques dus aux rigueurs du climat ou aux dangers des côtes inconnues sur lesquelles il ne fallait surtout pas s'échouer. Les collections de toutes natures rapportées par Cook au cours de ses voyages, aujourd'hui dispersées dans le monde entier bien que globalement présentes dans les musées d'Australie, d'Angleterre, d'Allemagne ou de Suisse (très peu en collection privée), sont une référence pour qui s'intéresse à l'histoire des sociétés océaniennes.

Une exposition a eu lieu récemment (en 2011 à Berne en Suisse), n'ayant pu m'y rendre, j'ai acheté le catalogue dont je parlerai ultérieurement.

"Relations de voyages autour du monde" est un livre tout à fait accessible, malgré quelques termes de marine, et qui m'a littéralement "transportée" au point que j'ai écourté certaines de mes nuits pour avancer dans les voyages.

Passionnant.


Premier voyage : journal authentique de J.Cook, imprimé en 1893
Deuxième et troisième voyages : à partir des in-quarto officiels de 1777 et 1784
450 pages
édition française 1980 aux éditions La découverte /Poche
traduction de l'anglais par Gabrielle RIVES
illustration d'entrée de billet : "Resolution and Adventure" par William Hodges (1776)


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