HARRISON Jim - La femme aux lucioles

un recueil de 3 nouvelles

Chien brun
Plutôt marginal malgré ses 40 ans passés, CB surnommé "chien brun" n'a pourtant pas de sang indien pour ce qu'il en sache, quoique son père est inconnu. Plongeur-découvreur-voleur d'épaves dans le lac Michigan, il détrouve un jour le corps d'un vieux chef indien qui vaut une belle petite somme, mais l'opération de repêchage n'est pas aisée ni discrète et CB se fait attraper, d'autant qu'il n'en est pas à son premier méfait. En couple avec Shelley, une étudiante ethnologue spécialisée sur le peuple indien, il accepte d'écrire un journal, une sorte de thérapie zen, mais devine que la jeune femme n'est intéressée par lui que parce qu'il a découvert un ancien cimetière indien qu'elle veut voir à son tour. CB lui, garde l'espoir secret de revoir un jour Rose son amour d'enfance, qui elle est indienne.

Sunset limited
Apprenant que Zip, leur ancien compagnon est accusé de terrorisme et emprisonné au Mexique où il risque 50 ans d'emprisonnement et la mort en guise de règlement de compte, quatre quarantenaires décident de tout faire pour libérer le cinquième membre de leur ancien groupuscule révolutionnaire étudiant. Malgré quelques coups de fils bien placés, les quatre se rendent vite compte sur place que leur ancien ami est dans le colimateur du gouvernement américain qui entend bien le laisser dans sa prison ou de s'en débarrasser coûte que coûte. Par ailleurs, ils se redécouvent après plusieurs années durant lesquels ils ne se sont pas fréquentés, gardant en mémoire leur condamnation à la prison.

La femme aux lucioles
Claire, 50 ans, étouffe dans sa vie de ménagère aisée à côté de Donald son mari. Alors que tous deux reviennent d'une visite chez leur fille, Claire décide de prendre la poudre d'escampette, laisse un mot accusant son mari de maltraitance, passe la nuit dans un champ de maïs, s'abrite dans une sorte de terrier, est intriguée par la visite des lucioles à la tombée de la nuit, dialogue imaginairement avec sa fille dans une conversation stimulante et réconfortante, et découvre la force de combattre ses migraines et de commencer une vie qui puisse la satisfaire, à commencer par un voyage à Paris.
Ce jour là, l'un de mes amis navigait sur le minéralier "Arthur Anderson" qui essaya de porter secours au bateau en détresse. Lorsque l'"Anderson" arriva à Soo, mon ami débarqua et ne remit plus jamais les pieds sur un navire. Les gardes-côtes le contestèrent, mais mon copain m'affirma que les hauts-fonds de Caribou éventrèrent la coque du "Fitzgerald" et que, malgré ses quatre pompes de cale débitant chacune vingt-cinq mille litres d'eau à la minute, le bateau reposait maintenant par deux cents mètres de fond. On ne retrouva pas un seul corps, pour les raisons que j'ai déjà dites. Ces trente-quatre hommes seront toujours au fond du lac lorsque le monde s'achèvera, ce qu'il fera sûrement un jour. Notre prêcheur disait souvent qu'aucun objet de fabrication humaine ne dure, hormis les trucs vraiment gros, comme les pyramides, et encore : même elles montrent des signes d'usure. (p.55-Chien brun)
Je découvre cette fois les nouvelles de Jim Harrison. Elles sont aussi denses et intenses que ses romans, les personnages tout aussi attachants, mais je n'ai pas eu l'impression d'histoires bâclées ou poussives, au contraire, on devient le spectateur d'un instant, plusieurs instants en fait car chez Harrison la narration est rarement linéaire mais part en zig-zag entre un "présent" et un "passé".

Le thème récurrent est au fond la solitude : que ce soit Chien brun, Gwen ou Claire, tous veulent se croire capables de prendre un virage : certains pour retourner aux sources de leur jeunesse, d'autre pour aller de l'avant. Et ils y arrivent.

Titre original : The Woman Lit by Fireflies (1990)
traduit de l'anglais (américain) par Brice MATTHIEUSSENT
illustration d'entrée de billet : le lac Burt (Michigan)
294 pages

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